Dans un environnement de plus en plus contraint, les entrées de ville sont un réservoir d’opportunités pour répondre aux enjeux de la crise du logement, de la réindustrialisation et de l’adaptation des villes au réchauffement climatique. Dans le cadre de la publication de son livre blanc sur les entrées de ville, Icade a donné la parole à Julien Meyrignac, rédacteur en chef de la revue Urbanisme.

La définition des entrées de ville a-t-elle évolué ?

Oui. Dans les années 1980, un certain nombre de collectivités ont commencé à s’intéresser à ces zones nées autour des axes majeurs de desserte des grandes agglomérations. Mais ce n’étaient alors pas les zones commerciales que l’on souhaitait revoir, mais le développement urbain le long de ces routes. La première opération emblématique a été le réaménagement de la Nationale 7, au Sud de Paris, mené par l’architecte Alain Sarfati. Il souhaitait valoriser les abords des routes qui étaient alors composés d’un ensemble hétérogène d’usines, d’ateliers et de grands ensembles. Dans les années 1990, avant que l’on ne parle de la « France Moche », l’on introduit ainsi dans le Code d’Urbanisme (Loi Barnier de 1995), l’interdiction de construire dans une bande de cent mètres de part et d’autre des axes routiers. Cette première vision des entrées de ville centrée sur leurs infrastructures a ensuite évolué pour désigner plus globalement les zones d’activité périphériques. En réalité, cette appellation « entrée de ville » est presque un abus de langage, car ces zones ne sont souvent pas directement connectées à une ville, contrairement aux anciens faubourgs. Ce sont des microvilles, des polarités, qui attirent les habitants du bassin de vie, des villages autour, mais aussi d’une voire plusieurs villes. Il s’agit autant d’ « entrées » que de « sorties » de ville.

 

Quel imaginaire doit-on développer pour habiter une zone commerciale ?

Revenons à la constitution même de ces espaces, qui ont été développés là où la desserte automobile était la plus efficace, près d’un échangeur ou d’un rond-point, et où le foncier était peu onéreux. Seule une minorité d’entre eux ont été développés suivant une vision d’ensemble notamment sur le plan architectural, la plupart uniquement par opportunité et sans contraintes. Une fois l’hypermarché installé, le terrain a été progressivement morcelé ; ce qui résulte aujourd’hui en une multitude de propriétaires, tous convaincus de la grande valeur de leurs biens. C’est un fait constitutif de leur faible malléabilité.

Cela ne veut pas dire que ces zones n’ont pas commencé à changer. Certaines d’entre elles ont été requalifiées, mettant l’accent sur la diversification des activités, d’autres ont été densifiées avec l’installation de bureaux ou d’hôtels, et d’autres diversifiées en remplaçant des magasins par des logements, car la ville s’est rapprochée. Cela a été le cas dans des territoires en croissance démographique, entre Bayonne et Anglet (Pyrénées-Atlantiques) par exemple ou encore à la Valette-du-Var, près de Toulon.

L’enjeu contemporain n’est plus de considérer ces zones à l’échelle locale ou intercommunale, mais nationale. La loi Zéro Artificialisation Nette rend ces zones intéressantes, car il sera plus facile et moins cher d’y construire que dans les centres-villes. Cela ne les rend pas pour autant désirables. Plus qu’un imaginaire à développer, ce seront les qualités intrinsèques qui convaincront les habitants de s’y installer. Il faudra qu’ils y trouvent des logements abordables, de qualité, plus grands qu’en centre-ville ou même avec un extérieur. Mais aussi des commerces de proximité et des services, tels que des garderies et écoles.

 

Comment refaire de vraies zones d’entrée de ville, lieux d’interconnexion des campagnes et des centres villes ?

Il ne faut pas se tromper sur le sujet : ces zones deviendront des villes, mais des villes poreuses. Il faut arriver à tisser des liens entre ces nouvelles villes et les zones agricoles. La loi ZAN est une véritable opportunité collective de changer d’état d’esprit. Plutôt que de poursuivre la logique de la prédation qui a dicté le développement urbain depuis 50 ans, on doit réussir à mieux partager nos espaces.

 

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