Actualité • 15 octobre 2024
A l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le Quartier des Quinconces au cœur du Village des Athlètes à Saint-Ouen-sur-Seine (93) a accueilli cet été près de 3 000 athlètes. Ce quartier avait été pensé, dès sa conception, en mode « héritage ». Le projet se divisait en deux phases : la première phase visait à créer un lieu d’hébergement temporaire pour les athlètes olympiques puis paralympiques ; la deuxième phase qui a débuté en septembre 2024 aboutira à un quartier de ville pérenne imaginé pour ses habitants et ancré dans son territoire.
Témoignage de Florence Chahid-Nourai, Directrice de la performance durable et de l'expérience client, Icade Promotion.
Pour répondre au double enjeu d’accueillir plusieurs milliers d’athlètes et devenir un véritable quartier de ville offrant une mixité d’usages, le Village Olympique et Paralympique a bénéficié d’un permis de construire à double état. Ce nouveau cadre juridique, rendu possible par décret de la loi JOP, permet d’obtenir dans le cadre d’une seule instruction, une autorisation administrative unique couvrant la construction d’immeubles pour un premier usage pendant le temps déterminé des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, puis leur transformation pour un usage distinct en phase héritage, pour un quartier de ville pérenne pour les habitants.
Placer l’héritage comme une ambition majeure dès la phase de conception a permis de penser une ville qui s’adapte aux besoins de son époque et de renforcer sa résilience face aux changements à venir. Les travaux de réversibilité des bâtiments débuteront en novembre 2024 pour une livraison prévue aux futurs propriétaires début 2026 au plus tard.
Dès leur conception, les bâtiments ont été pensés de manière à faciliter cette transformation avec des espaces modulables et une flexibilité d’utilisation.
Comment la réversibilité a-t-elle été prise en compte ? Quelles contraintes ont pesé dans la conception ? Comment les choix architecturaux et techniques qui ont été faits pour deux temporalités connues conditionnent aujourd’hui la réversibilité à l’avenir ?
Tout d’abord, le choix structurel des bâtiments est déterminant dès les premiers coups de crayon. Il a été décidé très tôt d’intégrer une structure poteaux-poutres plutôt qu’une structure classique permettant une grande modularité dans les aménagements intérieurs. En effet, la structure est statique. Elle est faite pour durer et elle devra être modifiée le moins possible dans les évolutions futures du bâtiment.
A priori un projet transformable doit être conçu en poteaux-poutres. Les noyaux et les réseaux doivent être optimisés et bien positionnés le plus en centralité possible du bâtiment pour dégager des plans libres et une plus grande modularité sur le long terme. En phase Jeux Olympiques et Paralympiques, pour répondre aux besoins de Paris2024 de nombre de lits d’athlètes, certains séjours ont été recoupés par des cloisons provisoires pour créer des chambres supplémentaires. Les gaines des cuisines non utilisées pendant cette phase ont permis d’y raccorder des salles d’eau provisoires. Ces cloisons provisoires ont été étudiées avec l’objectif d’être réemployées. Leur mise en œuvre est différente d’une cloison pérenne, ces cloisons ne sont pas fixées mécaniquement par des vis pour ne pas abimer le sol et le plafond mais pour être démontées proprement.
Les industriels se sont mobilisés pour créer de nouveaux produits qui n’existaient pas sur le marché et qui permettent de faire évoluer cette modularité dans la vie des bâtiments.
L’ossature de nos façades est en bois. Il s’agit d’éléments préfabriqués, non porteurs donc légers et indépendants qui sont fixés sur la structure des bâtiments. Le complexe de façade pourrait être transformé sur des cycles moyens de la vie des bâtiments, dans les cinquante prochaines années ou pourrait être entièrement déposé pour ajouter des balcons périphériques ou vitrer entièrement les façades…
Sur l’immeuble de bureaux « Les gradins » par exemple, le grand escalier monumental extérieur résulte d’une contrainte incendies de l’usage JOP. L’escalier n’était pas nécessaire pour l’usage « bureaux ». Finalement, il est devenu un élément architectural très fort du projet qui permettra également sa divisibilité éventuelle et son compartimentage.
Sur l’immeuble des « Gradins », Icade et ses partenaires ont beaucoup travaillé pour rendre réversible le bâtiment de logement à bureau, et aujourd’hui nous pourrions étudier l’inverse, c’est-à-dire transformer du bureau en résidence par exemple. Il est important de savoir que l’exercice de la réversibilité n’est possible que si le bâtiment en a le potentiel (hauteur sous plafond, structure, façade …).
Au quotidien sur le chantier et lors de la conception les équipes ont dû travailler simultanément les réglementations logements/bureaux et ont dû toujours intégrer l’approche la plus contraignante. C’est vrai sur la réglementation incendie, les normes PMR (Personne à Mobilité Réduite) ou sur l’acoustique.
Les produits immobiliers sont aujourd’hui stéréotypés, très normés. Pour que le plein potentiel de transformation des bâtiments soit vraiment utilisé, il faudrait travailler les réglementations pour faciliter la réversibilité. Il y a de nombreuses normes et réglementations qui sont parfois opposées, voire contradictoires pour pleinement prendre des mesures conservatoires pour la transformation des constructions. Il faudrait travailler pour identifier ce qui est un surcoût aujourd’hui mais un investissement pour demain, et orienter la réglementation pour encourager cet investissement supplémentaire.
Un des autres enjeux à manipuler, lorsque l’on parle de changement d’usage, c’est le sujet des valeurs concernant la valorisation des surfaces et leur commercialisation. Par exemple, pour un bâtiment de bureaux, toutes les surfaces de distribution sont louées ce qui n’est pas le cas en logement. La notion de rentabilité des surfaces ne se calcule pas avec la même approche.
En conclusion, la réversibilité de ce projet du village des athlètes est assez contextuelle puisqu’il s’agissait d’intégrer pour une période très courte, quelques semaines le temps des jeux, une vie éphémère pour l’accueil des athlètes dans des lieux de vie pérennes pensés pour l’héritage avec en fort ancrage territorial.