Actualité • 14 October 2020
Le 23 septembre 2020, Icade et La Tribune organisaient une journée de débats sur le thème "Post-Covid : réinventer les villes ? ", à la Maison des Océans à Paris. La table ronde n°4 proposait une réflexion autour de l’intitulé « Réinventer la proximité ». Les intervenants – Jean-Sébastien Catier, Président de l'association Paris en Selle, Yannick Jadot, Député européen, Carlos Moreno, Chercheur, Professeur des Universités et Directeur scientifique de la Chaire ETI et Elisa Yavchitz, Directrice Les Canaux – ont chacun apporté un éclairage, une pierre à cet édifice essentiel à la ville de demain.
Comme en préambule aux échanges, Yannick Jadot a affirmé l’importance de se réconcilier avec le local. Selon le député européen, "redonner le pouvoir aux citoyens sur le transport, la culture, l’agriculture, l’économie, génère un sentiment de confiance dans la société". L’action à l’échelle locale paraît alors indispensable à toute démocratie, surtout si l’on en croit Carlos Moreno pour qui "les creusets des nouveaux systèmes sociaux sont à l’échelle des villes : nous sommes sur le point de basculer soit en "démopolis", soit en "tyranopolis".
Le vélo a totalement changé de statut après les grèves et la crise de la Covid. De"circulation douce de bobo", il est devenu une solution crédible pour circuler en ville. Jean-Sébastien Catier préside l’Association "Paris en Selle" et il a constaté ce basculement avec une grande satisfaction. Pourtant, un travail d’infrastructure autant que d’explication pour faire évoluer les mentalités est encore à faire et repose sur la volonté politique. Aujourd’hui, plus de 65% des habitants des grandes villes soutiennent la réduction de la place de la voiture. Mais s’ils souhaitent se déplacer plus proprement, ils veulent aussi pouvoir circuler toujours aussi facilement, confortablement, et en toute sécurité. "Il y a une demande majoritaire de la population urbaine pour se déplacer facilement et proprement, explique Jean-Sébastien Catier. Sur 100 personnes qui habitent en ville, 10 sont à vélo, 30 n’en feront jamais et 60 ont un apriori positif freiné par un sentiment d’insécurité. D’où l’importance des infrastructures". On comprend que plus de 80% des habitants des grandes villes soutiennent le développement des pistes cyclables.
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60% des habitants des villes ont un apriori positif à l’idée de circuler à vélo mais rencontrent un frein lié à la sécurité, d’où l’importance d’investir dans les infrastructures. »
Pour Carlos Moreno, c’est une vision du commun qu’il faut régénérer, considérant que le commun englobe l’air, l’eau, la terre, l’espace, le silence, le temps, mais aussi les normes, les règles, les lois explicites et implicites qui forment le bien-vivre ensemble. L’universitaire propose d’envisager l’écologie comme un humanisme territorial. Yannick Jadot avait quant à lui préféré le terme de terroir à celui de territoire : "Un territoire, ça se conquiert et ça s’administre. Un terroir, ça se travaille. C’est l’endroit où l’on vit". Mais les définitions des politiques et des universitaires ne se rejoignent peut-être pas toujours…
Ainsi, régénérer une vision du commun, c’est régénérer la territorialité à l’échelle d’une métropole comme d’un village et donner à l’écologie, une dimension sociale, économique et un réel impact. "Un monde durable, c’est un monde viable, vivable et équitable. C’est la convergence de l’économie, de l’écologie et du social, explique Carlos Moreno. Chacune de nos actions a un impact social". Le directeur scientifique de la chaire ETI parle d’empathie, d’altérité, de collaboration et de solidarité pour expliquer jusqu’où l’humanisme territorial peut et doit s’exprimer. La proximité en devient alors la toute première échelle.
Reprenant les mots de Patrick Geddes, un des fondateurs de l’écologie moderne – "Penser global, agir local" – et invitant le public à (re)lire Vers une économie à 3 zéros, de Muhammad Yunus – 0 carbone, 0 exclusion et 0 pauvreté – Carlos Moreno entend proposer une vraie vision à long terme. " La ville du quart d’heure, c’est une nouvelle armature urbaine pour les zones compactes. La ville de la demi-heure en est la déclinaison pour des villes moyennes et des petites villes", conclut-il.
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"L’écologie est un humanisme territorial" »
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"Un territoire, ça se conquiert et ça s’administre. Un terroir, ça se travaille. C’est l’endroit où l’on vit". »
La directrice des Canaux, lieu dédié aux économies solidaires et innovantes, constate que les entreprises, y compris les grands groupes, sont de plus en plus nombreuses à comprendre que leur performance passe aussi par la prise en compte des questions d’environnement et de société. Dans ce contexte, Elisa Yavchitz l’affirme, "l’économie de la proximité est indispensable, notamment à la résilience". Il n’est pour autant pas question d’opposer un monde de la proximité à un monde global, ni de prôner une forme d’isolationnisme, encore moins de hiérarchiser entre les "emplois d’ici" et les "emplois de là-bas". La crise de la covid a permis en effet de mettre en lumière le problème de la totale dépendance à l’échelle internationale. Et c’est bien l’économie de la proximité qui a su réagir le plus vite : ce sont les couturières qui se sont mises, ici et là, à faire des masques, ou les parfumeurs qui ont produit des lotions hydro-alcooliques.
"Les TPE-PME représentent 99% des entreprises en France, et 40% des emplois", précise la directrice des Canaux, pour qui l’économie de proximité doit absolument être soutenue, à tous les niveaux. Ainsi, dans le cadre du projet pour le Village Olympique, Icade, dès la phase d’appel d’offre, a travaillé avec les Canaux pour impliquer l’économie locale. Elisa Yavchitz raconte : "Nous avons créé un consortium de 7 régies de quartier présentes dans le 93 pour que ces entreprises d’insertion réalisent le moyen œuvre sur le village olympique". Le village olympique sera ainsi véritablement inscrit dans son territoire – ou dans son terroir…
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"L’économie de la proximité est indispensable, notamment à la résilience". »