Actualité • 7 January 2025
A quoi ressembleront nos villes et leur organisation en 2050 ? afin de répondre aux divers enjeux auxquels elles feront - et font déjà - face, l’urbanisme doit évoluer dans ses principes directeurs. La capacité d’adaptation et de résilience, tant environnementale (gestion des risques et des ressources), sociale (épanouissement, santé et sécurité des habitants), énergétique ou encore économique sera ainsi au cœur du métier d’urbaniste et de la ville de demain.
Entretien avec Lucie Girod, urbaniste.
La question de la proximité (à son travail, aux services et commerces du quotidien, à ses lieux de loisirs et de convivialité…) est une question centrale pour l’avenir des villes. À contre-courant du zonage monofonctionnel, qui vient séparer les espaces selon leur usage, les villes en 2050 prôneront une diversité fonctionnelle accrue, propre à favoriser les interactions sociales et à limiter les besoins en déplacements motorisés. Pour ce faire, les villes s’appuieront sur un réseau d’infrastructures destiné aux piétons et cyclistes et de services associés (vélos en libre-service par exemple), ainsi que sur des transports publics performants et alimentés par des énergies renouvelables pour assurer la connectivité entre les quartiers plus éloignés ou les territoires voisins. La question de la proximité se pose également à l’échelle des bassins de vie et d’emploi : la ville de demain saura tisser des liens avec les territoires environnants, à penser non plus comme des zones périphériques dépendantes des villes, mais comme des territoires de ressources, dont la ville dépend également : agriculture de proximité, accès aux espaces verts, redistribution des emplois…
Au regard de la pression que l’urbanisation fait subir sur les ressources naturelles et agricoles, ainsi que de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes climatiques extrêmes (canicules, incendies, inondations…), les décideurs de demain devront être en mesure d’assurer un aménagement intégré des espaces urbains et des espaces naturels. La pleine terre sera, partout où c’est encore possible en ville, préservée.
Des actions de désimperméabilisation et de renaturation seront entreprises à l’occasion des projets urbains et une réflexion sur le renforcement des corridors écologiques sera systématiquement intégrée en amont des projets.
L’exposition des populations aux risques dictera également de déployer des infrastructures résilientes (énergie, eau, transport) capables de faire face aux catastrophes naturelles et de les relocaliser au plus proche des villes. La conception urbaine devra par ailleurs s’adapter aux contextes locaux, voire infra-quartiers, pour prendre en compte les risques climatiques.
« Les villes prendront également leur part dans la promotion de la santé des habitants, à travers une accessibilité renforcée aux services de santé par exemple, mais également de leur bien-être et de leur épanouissement. »
Afin d’assurer la décarbonation des villes, les bâtiments et infrastructures deviendront des supports de production énergétique - une tendance qui s’observe déjà - mais à encourager fortement. Ainsi, d’importants investissements dans les énergies renouvelables, soutenus par des politiques publiques ambitieuses à toute échelle, seront menés de manière à assurer une alimentation énergétique stable et durable. La ville de demain saura conjuguer à la fois certaines solutions technologiques (bâtiments à énergie positive, stockage de l’électricité) et les solutions dites low-tech (techniques d’ombrages passives, puits canadiens…), sans les opposer, dans une optique de réduction de son empreinte carbone et de confort pour la population.
Les inégalités environnementales (entendues comme le risque de surexposition des populations aux facteurs de risques ou de nuisances environnementales) venant souvent se superposer aux inégalités sociales existantes, les politiques visant à accroître la résilience climatique des villes auront pour mission de s’assurer qu’elles bénéficient équitablement à toute la population. Les villes prendront également leur part dans la promotion de la santé des habitants, à travers une accessibilité renforcée aux services de santé par exemple, mais également de leur bien-être et de leur épanouissement : infrastructures pour le sport, logements décents et accessibles, espaces pour le repos, promotion de l’art et de la culture en milieu urbain… Les habitants ne seront plus seulement envisagés comme des bénéficiaires des politiques publiques et des projets urbains, mais comme des parties prenantes à leur conception. Cela suppose de dépasser les modes de concertation communément mis en place pour faire du citoyen un réel acteur dans l’évolution de son environnement.
Concevoir une ville qui, en 2050, sera résiliente au changement climatique, dynamique et accueillante pour ses habitants implique une approche holistique et adaptative de la planification et de la conception urbaine, qui anticipe les impacts futurs tout en répondant aux besoins actuels. Pour ce faire, elle nécessite de remettre sur le devant de la scène certaines ressources existantes (ressources naturelles, humaines…) et de construire de nouveaux modes de gouvernance, qui permettent d’associer étroitement décideurs publics, secteur privé et citoyen, afin de créer des environnements urbains durables et équitables.