Actualité • 22 November 2024
Le blog « Lignes de ville » donne la parole à Cyrielle Blanc et Mathis Ramé, étudiants en cinquième année à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles. Ils nous parlent de leur vision de la ville de 2050 et de leurs projets.
Cyrielle Blanc : Cela a toujours été une évidence pour moi de devenir architecte. Ce métier répond à une envie de créer et de s’adapter en recherchant en permanence de nouvelles solutions à des situations différentes et évolutives.
Mathis Ramé : Ma vocation est née naturellement. Enfant, j’aimais beaucoup dessiner des villes, futuristes et réalistes. Exercer ce métier est pour moi une façon de laisser une empreinte durable sur le monde. Notre approche à l’ENSA croise en permanence architecture et urbanisme ce qui est très intéressant, car je ne conçois pas l’architecture sans penser urbanisme.
Cyrielle Blanc : Les villes hébergent la grande majorité des habitants et des activités de la planète. De fait, elles concentrent tous les grands sujets du monde moderne. Elles nous questionnent sur les problématiques de densification, d’usage des fonciers, de réchauffement des températures, de mixité fonctionnelle, sociale ou intergénérationnelle...C’est un laboratoire grandeur nature pour déployer de nouvelles solutions.
Mathis Ramé : Les villes sont des sujets passionnants, car au-delà de leurs similitudes et de leurs qualités communes, on ne retrouve jamais deux fois la même ville. Si les types de bâtiments sont globalement similaires dans leur fonctionnalité d’une ville à l’autre, les architectures ne sont jamais identiques, car elles sont le fruit d’une histoire et elles sont liées à des identités régionales, tout comme le sont les coutumes et les gens qui y vivent. Ce n’est pas seulement l’architecture qui fait les villes, ce sont d’abord et surtout leurs habitants. Pour cette raison, mon approche de l’architecture, telle que je l’apprends à l’école, comporte une forte dimension sociologique et anthropologique.
Cyrielle Blanc : L’avenir sera peut-être de concevoir des villes passives à l’image des maisons. On peut rêver de villes autonomes et frugales sur le plan énergétique. Cela représente des coûts importants au départ, mais qui seront durables et rentables à long terme. Les modes constructifs seront probablement plus variés avec un usage de matériaux alternatifs comme le bois, mais aussi la paille ou encore la terre.
Mathis Ramé : Dans le passé récent, la fabrique de la ville s’est surtout faite dans la rapidité et la modernité en occultant parfois les personnes. Résultat, on a développé des villes à grande échelle, mais ces villes n’étaient pas forcément à échelle humaine. La ville de demain sera davantage organisée autour de quartiers multifonctionnels, c’est-à-dire conçus comme des petites villes au sein même de la ville. Ce seront des villes où l’on se sentira bien, des villes vertes et pratiques avec tous les services et les transports à proximité. Aujourd’hui, on nous apprend à concevoir des projets avec les gens et d’abord pour leur plaire. On ne fait pas uniquement de l’architecture pour faire mais pour faire envie.
Mathis Ramé : J’ai eu la chance récemment de visiter Singapour, qui à mes yeux est la ville du futur. Malgré toutes ses contraintes, c’est une ville qui a une longueur d’avance. Paradoxalement, cette ville de gratte-ciel est à échelle humaine, car elle est organisée autour de quartiers dotés de tous les services et bien reliés entre eux. À mes yeux, Singapour est un exemple d’architecture et d’urbanisme adaptatifs.
Cyrielle Blanc : Je partage l'avis de Mathis sur Singapour. On a l’impression d’être projeté trente ans dans le futur. En vous y promenant, vous voyez des gratte-ciel végétalisés à mille lieues d’une ville minérale et dense comme Paris. Pour autant, les choses évoluent en France avec l’émergence de nombreux écoquartiers comme à Issy-les-Moulineaux ou à Lyon. Le Grand Paris Express a également relancé beaucoup de projets qui vont dans ce sens. Nous vivons un moment de bascule où les mentalités changent, car il y a une forme d’urgence à faire la ville autrement. Pour nous, jeunes architectes, c’est très stimulant.
Cyrielle Blanc : Avec l’ENSA Versailles, nous sommes vingt étudiants à avoir travaillé pendant huit mois sur un projet pour concevoir et construire de A à Z un pavillon équestre éphémère dans le cadre du projet Archi-Folies labellisé Olympiade Culturelle. Au total, vingt pavillons ont été construits par les vingt écoles d’architecture françaises en collaboration avec vingt fédérations sportives et exposés du 28 août au 3 septembre 2024 au parc de la Villette. Il était primordial de penser des pavillons modulables afin de pouvoir être montés et démontés pour s’implanter dans le parc durant l’été. Pour évoquer les sports équestres, la structure de notre pavillon était constituée de bottes de paille mises en compression par des sangles et empilées en quinconce afin que le mur puisse se contreventer seul. Au-delà de ses grandes qualités isolantes (thermique et acoustique), nous avons utilisé la paille comme élément structurel. Les murs sont porteurs et capables de supporter la charpente ainsi que la toiture en bois. Avec ce projet, nous avons fait la démonstration qu’il était possible de faire beau, avec un matériau biosourcé encore très peu utilisé par les constructeurs. La surprise et la curiosité des visiteurs ont été au rendez-vous tout au long de l’exposition.
Mathis Ramé : J’ai participé à un projet dénommé Métropolis Density qui portait sur les problématiques de densification et « dédensification » des villes. Nous avons réfléchi à des solutions pour adapter les villes qui perdent des habitants pour qu’elles ne deviennent pas des villes fantômes et inversement à rendre vivables des villes sujettes à de fortes densifications. J’ai notamment travaillé sur la ville de Houston, l’une des moins denses au monde alors qu’elle occupe une superficie trois fois supérieure à Paris pour une population moindre. C’est passionnant et très ancré dans le réel.