Entretien avec Jean Guiony, président de l’Institut de la transition foncière

Qu’est-ce que la transition foncière ?

La transition foncière constitue l’ensemble des transformations structurelles qui doivent permettre la préservation et la réparation des sols, en prenant en compte « l’empreinte foncière » des activités humaines et en passant d’une approche centrée sur le « foncier » à celle considérant les « sols vivants ». Elle est un processus qui doit nous faire convertir à la fois le regard et les pratiques : passer d’une vision en 2D à une vision en volume des sols ; prendre en compte leur dimension patrimoniale ; élargir le marché foncier pour passer à une gouvernance d’un « commun » indispensable à la régulation du climat et à notre adaptation au réchauffement.

Pourquoi la transition foncière est-elle une nécessité ?

Parce que les sols sont une ressource commune vivante, finie et non recyclable, et parce que le
foncier est le pivot de la fabrique de la ville. Les sols stockent deux à trois fois la quantité de carbone contenue dans l’atmosphère et les récentes études montrent une tendance à la diminution drastique des puits de carbone terrestres (dans les sols et leur végétation). Leurs fonctions écologiques sont au fondement de notre alimentation, de la régulation des températures et de la gestion du cycle de l’eau.

Pourquoi est-ce important d’avoir des sols en bonne santé ?

Il suffit de considérer les sols ayant subi une altération irréversible, la désertification : les surfaces désertifiées ne permettent plus d’accueillir d’activités humaines, ou seule une infime partie d’entre elles et dans des conditions extrêmes. Ce n’est pas un exemple qui ne nous concernerait pas : en vingt ans, plus de 170 000 km² de terres sont entrées en « voie de désertification » dans l’Union européenne : c’est davantage que la superficie de la Grèce. Des régions entières, de l’Andalousie à l’arc languedocien en France doivent prendre au sérieux ce risque. 

De même, les progrès continus de l’artificialisation dans les zones urbaines de plaines fertiles
menacent nos capacités de production agricole et la possibilité de circuits courts. Enfin, en ville, des sols en bonne santé rendent des services écosystémiques indispensables à l’atténuation comme à l’adaptation au changement climatique : maintien de la réserve en eau et du petit cycle de l’eau ; rafraîchissement urbain ; santé publique...

Quel est le rôle de l’Institut de la transition foncière en quelques mots et quel rôle a joué Icade dans sa genèse?

L’Institut de la transition foncière poursuit trois missions, étroitement liées les unes aux autres : soutenir la recherche et le transfert des savoirs vers l’opérationnel ; élaborer des standards de préservation et de réparation des sols tant du point de vue des modèles économiques que techniques ou de gouvernance ; enfin, assurer une action de plaidoyer auprès des pouvoirs publics, des entreprises et des acteurs présents sur les territoires pour une meilleure prise en compte des sols.

Nous avons déjà mis en phase expérimentale un nouveau modèle de bilan d’opération dans lequel, sans donner une valeur marchande ni au vivant, ni aux services écosystémiques, nous parvenons cependant à corriger le modèle économique d’une opération immobilière, en intégrant des besoins de restauration à long terme des écosystèmes. Icade et tout particulièrement sa direction de la RSE et de l’Innovation et l’équipe d’Urban Odyssey ont été des soutiens essentiels à la naissance de l’Institut.

C’est grâce à eux que l’idée d’un acteur de place, large, allant au-delà des silos (entreprises, secteur académique ou secteur public) a été rendue possible. Il est rare de voir un groupe s’engager dans une démarche au bénéfice de l’ensemble d’une filière publique, privée ou associative, avec une approche prospective si forte.

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