Le quartier des Quinconces, au cœur du Village des Athlètes (Saint-Ouen-sur-Seine), comprend treize bâtiments dont le bâtiment « Cycle ». Véritable vitrine des pratiques innovantes en matière de gestion des ressources et du « zéro déchet », ce bâtiment résidentiel vise à limiter les impacts environnementaux du bâti et à faire des progrès conséquents dans la gestion des ressources et de l’eau à l’échelle d’un immeuble. Il se donne notamment comme objectifs le recyclage de 90 % des eaux usées et la réduction de 60 % de la consommation d’eau potable.

Témoignage de Laure-Anne Halay, Responsable Grands Projets-Village des Athlètes, Icade Promotion.

Depuis 2017, les Jeux Olympiques et Paralympiques ont fait figure d’accélérateur pour un grand nombre de projets. Grâce à une large mobilisation des acteurs publics et privés, les lignes bougent, les innovations se développent et trouvent un tremplin ; elles passent alors de l’irréalisable au réalisable, puis au réalisé.

C’est le cas notamment pour le Village des Athlètes, qui concentre tout le savoir-faire français de la construction résidentielle. Le Groupe Caisse des Dépôts, soutenu par la SOLIDEO et accompagné par le bureau d’étude Oasiis, a ainsi développé, au cœur du quartier des Quinconces, un bâtiment démonstrateur, baptisé Cycle.  

Composé de 28 logements locatifs intermédiaires acquis et gérés par CDC Habitat, il réunit en un seul projet plusieurs innovations majeures autour de la gestion des ressources et plus spécifiquement de la gestion de l’eau. L’objectif : repenser l’usage des ressources présentes au sein d’un bâtiment de logements et, plus largement, l’écosystème des services urbains en requestionnant le paradigme de la circularité des ressources à l’échelle locale. En effet, les innovations développées s’articulent autour de trois enjeux centraux de la ville de demain : la gestion de la ressource en eau, le recyclage des urines et des matières fécales et la valorisation des biodéchets.

Cycle initie donc une véritable transition vers des « Bâtiments Ressources » et « Zéro Déchet » en exploitation, limitant fortement les impacts environnementaux et recréant de la valeur locale et de nouveaux métiers.

Ainsi, ce sont près de 90% des eaux grises (issues des cuisines, lave-linges, douches...) et noires (issues des toilettes) qui devraient être recyclées pour une baisse de 60 % de la consommation d’eau potable. L’eau récupérée, traitée dans une mini station d’épuration en sous-sol, est réinjectée dans le réseau du bâtiment pour alimenter les chasses d’eau, les machines à laver et l’arrosage des espaces verts. Ce système permet d’éviter une surcharge des réseaux de traitement et d’exploiter les ressources contenues dans les eaux grises et noires.

 

Pourquoi ? Quels enjeux ?

Selon l’INSEE, un foyer français de 2,5 personnes utilise en moyenne 329 litres d’eau potable par jour. Parmi ces milliers de litres d’eau potable utilisés chaque année, une part importante est dédiée aux chasses d’eau, machines à laver et à l’arrosage. C’est cet usage que le bâtiment Cycle requestionne en proposant l’utilisation d’une eau traitée in situ, propre et saine. 

Les urines et matières fécales contiennent de l’azote, du phosphore et du potassium qui sont des nutriments essentiels pour la croissance des plantes et donc indispensables pour l’agriculture, et qui sont pourtant considérés comme des déchets dans les stations d’épuration. Le traitement de ces eaux implique une forte consommation énergétique pour leur aération et de la pollution en répercussion (émissions d’azote dans l’air, charge résiduelle dans les eaux rejetées se répercutant sur la biodiversité, micropolluants médicamenteux et hormonaux présents dans les urines non traités). De même, le traitement séparatif des matières fécales par compostage est ce qu’il y a de plus efficace pour réduire la concentration des germes pathogènes qu’elles contiennent.

Récupérer ces matières pour en faire de l’engrais relève donc du bon sens d’autant que la production d’engrais de synthèse, majoritairement utilisé par l’agriculture, génère à son tour des impacts environnementaux importants via la consommation d’énergie alors même que ces ressources sont produites par l’homme.

 

Comment ça fonctionne ? 

En sous-sol de ce bâtiment, plusieurs locaux techniques abritent une véritable station d’épuration miniature permettant le recyclage des eaux grises, des eaux noires mais aussi la valorisation de l’urine et des matières fécales. Il aborde également le cycle de « l’assiette à la terre » en accueillant un électro-composteur visant la récupération et la valorisation de l’ensemble des biodéchets (qui représentent un tiers de nos déchets) du quartier des Quinconces, à partir d’une collecte par mode doux. 

 Prototype géré par des start-ups françaises, il est composé de plusieurs équipements organisés en écosystème :

·       Un système de filtration des eaux grises et noires  : Fabriqué et entretenu par Nereus, cet équipement a vocation à recycler et réutiliser in situ 100 % des effluents du bâtiment. Les eaux usées sont traitées via un enchaînement de processus mécaniques et chimiques permettant de faire ressortir de l’eau propre et saine avant d’être redistribuée dans un réseau d’eau secondaire alimentant les chasses d’eau, les machines à laver et l’arrosage des espaces verts.

·       Une pompe à chaleur : Elle complète le processus de traitement en récupérant les calories de ces eaux usées pour préchauffer le ballon d’eau chaude sanitaire du bâtiment.

·       Une cuve collectant les urines : Fabriquée et gérée par Toopi Organics, une cuve en sous-sol permet le stockage de l’urine. Les urines sont séparées grâce à des WC séparatifs installés dans les logements et deux descentes d’évacuation séparées. Les urines sont évacuées par Toopi Organics dans une filière qui les traite et les valorise en biostimulant agricole.

·       Un composteur de matières fécales afin de les valoriser en engrais : Les matières fécales, récupérées avec les WC séparatifs, sont acheminées jusqu’au sous-sol pour y être biocompostées dans un électro-composteur.

·       Un électrocomposteur à biodéchets  : Fourni par la société Upcycle, il permet la collecte des biodéchets, y compris carnés, sur l’ensemble des bâtiments. Le compost est ensuite utilisé dans les jardins du quartier des Quinconces.

 

Et après ?              

Sur cette thématique de réutilisation des eaux grises, la France est moins avancée que d'autres pays avec moins de 2 % des eaux usées retraitées et réutilisées une seconde fois. Conçu comme une démarche expérimentale, le bâtiment « Cycle » a également été pensé dans une optique de réplicabilité :  l’objectif est de déployer ces solutions plus largement dans les futurs projets portés par le Groupe Caisse des Dépôts et ses filiales, mais aussi par d’autres acteurs, pour entraîner l’ensemble de l’écosystème vers des pratiques innovantes, plus vertueuses et plus durables.

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