La raréfaction de l’eau nous fait prendre conscience de sa dimension plurielle au regard des conflits d’usage entre les villes et les campagnes et entre les différents acteurs que sont les agriculteurs, les industriels et les particuliers. Mais, par ailleurs, le dérèglement climatique et l’artificialisation des sols amplifient également les risques d’inondation, posant de manière crue la question de l’occupation des sols et des modes constructifs. 

Inondation et restriction d’eau 

L’eau, une ressource d’abord locale, est source de conflit et de crispation. Soumise à des pressions de plus en plus fortes, la ressource en eau devient un enjeu géopolitique mondial et de politique locale, de territoire et de ville avec des situations différentes d’un bassin à l’autre sur un même territoire. Avec l’enchaînement des phénomènes de surabondance d’eau et de canicule, nous basculons dans une ère où l’imprévisibilité domine, y compris en France bien pourvue en ressources hydriques.  

La France a enregistré récemment plusieurs épisodes de sécheresse historiques, à l’image des années 2017 et 2022 qui ont souligné l’urgence de la situation. En 2022, le pays a par exemple connu dix mois consécutifs de déficit pluviométrique, à l’occasion de la troisième sécheresse la plus longue de l’histoire récente de France. Cette situation engendre des conséquences très concrètes : en 2022, la métropole de Nantes a ainsi connu des difficultés d’approvisionnement en eau potable en raison de la sécheresse et des grandes marées. Cette nouvelle donne questionne notre gestion et notre rapport à l’eau, nos usages et sa gouvernance à l’échelle territoriale. 

 

De la probabilité à la prédictibilité 

En 2050, la ville gérera donc des phénomènes plus extrêmes – périodes de sécheresse intenses et de pluies abondantes – où l’eau sera parfois rare et parfois surabondante. En France, pays tempéré, la gestion de l’eau a longtemps été appréhendée de façon probabiliste. L’accélération de ces phénomènes extrêmes oblige à faire preuve d’adaptation et d’anticipation. Les projets d’aménagement urbain nécessitent d’intégrer et de repenser le cycle de l’eau et donc de le comprendre. De plus en plus, ce cycle ne se renouvelle plus, car l’eau ne peut plus pénétrer ni être filtrée par les sols en raison de leur imperméabilisation. Il faut parvenir à laisser passer l’eau dans le sol pour qu’elle ne ruisselle pas, en réintroduisant du végétal dans la ville, en utilisant des matériaux drainants qui favorisent l’infiltration dans les sols et surtout en désartificialisant les sols dont l’imperméabilité est un facteur aggravant des inondations. C’est la combinaison de ces réponses qui rendra possible une meilleure absorption des eaux grâce à la reconstitution des fonctions biologiques des sols.  

 

Une réponse globale et préventive 

Face à l’importance de l’enjeu, la gouvernance de l’eau doit être territorialisée pour un pilotage intégré et préventif de la ressource. La multiplicité et la précision des datas sont des atouts pour mieux comprendre cette nouvelle donne et y répondre. Elles sont un levier pour initier une planification indispensable, globale et transversale qui ouvre la voie à des solidarités entre territoires et entre les usagers. Les foncières, les promoteurs, les urbanistes, les architectes et les paysagistes ont, eux aussi, un rôle à jouer à leur échelle. 

 

Focus sur la question spécifique du recul des traits de côte 

Le recul du trait de côte, phénomène naturel, est amplifié par le changement climatique. Il est aujourd’hui une réalité pour de nombreuses communes et de nombreux propriétaires et occupants. À Soulac-sur-Mer, l’immeuble Signal est un exemple emblématique. Construit en 1967 à 200 mètres de l’océan, il a dû être évacué en 2014 alors qu'il ne se trouvait plus qu’à une vingtaine de mètres de la mer. Après un long processus, les propriétaires ont obtenu en 2020 une indemnisation à hauteur de 70 % de la valeur originelle de leur logement. En 2023, l’immeuble a finalement été démoli. 

Érosion, submersion, effondrement : les traits de côte sont en première ligne par rapport au changement climatique. Les territoires les plus sensibles à l’érosion sont le littoral d’Aquitaine, de la Vendée, de la Corse et du Languedoc-Roussillon. Dans l’urgence, l’État propose des mesures d’accompagnement pour relocaliser (dans le cas de l’érosion) et indemniser (dans le cas de la submersion). La question qui se pose est la suivante : faut-il reculer, c’est-à-dire laisser l’eau s’écouler, ou s’opposer ? 

 

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