Face au défi climatique, les bâtiments neufs et le parc existant réduisent leur empreinte carbone. Pour répondre à ce nouveau paradigme - réglementaire, constructif et environnemental -, les acteurs misent sur des matériaux plus écologiques, durables et résilients face aux aléas climatiques.

Nouvelle donne pour le secteur de l’immobilier

Aujourd’hui la réglementation environnementale oblige les acteurs de l’immobilier à changer leurs façons de penser et de construire. La RE2020 fixe des seuils sur l’impact climatique pour le neuf ; les seuils 2025, 2028 et 2031 placent, à chaque fois, la barre plus haut. Ainsi, pour le volet « carbone contenu dans les matériaux », chaque nouveau seuil génère une baisse de l’ordre de 12 %. Bien que la frugalité figure parmi les leviers majeurs à mettre en œuvre, le choix des matériaux, en fonction de leur contenu carbone, reste le principal facteur de réduction de l’empreinte. L’avenir passe donc par le recours aux matériaux biosourcés, géosourcés et issus du réemploi. 

Ces ressources alternatives, largement disponibles, possèdent une faible empreinte carbone voire, pour les biosourcés, permettent de stocker durablement du carbone dans le bâti. Ils permettront, en mixité avec les matériaux plus usuels, de franchir les futurs seuils réglementaires et de concilier les contraintes économiques et les ambitions environnementales. Toutefois, le niveau de maturité de ces différentes filières est plus ou moins avancé. En l’absence de règles de l’art, le concepteur doit parfois innover pour couvrir le domaine d’emploi de son projet et contribuer ainsi à élargir le champ des possibles.

Le bois, un matériau qui monte en puissance

Cette nouvelle donne dynamise les filières biosourcées, comme l’illustrent les nombreux appels à
projets des bailleurs sociaux confrontés aux besoins massifs de rénovation de leurs parcs de logements. Cette bascule s’explique notamment par la légèreté des matériaux biosourcés. Ainsi, le bois se travaille facilement sur site si besoin, par exemple en rénovation, à l’aide d’outils électroportatifs. Pour densifier et élever des bâtis existants, les ossatures en bois, parce qu’elles sont légères, sont donc particulièrement adaptées.

Un des principaux atouts du bois est également de permettre la préfabrication des macroéléments – caissons de plancher et de toiture, façades – en usine. La construction hors-site, synonyme d’industrialisation et de standardisation, offre de nombreux avantages en termes de coût, de rapidité d’exécution, de qualité de finition, de conditions de travail, de diminution des nuisances et de baisse de la coactivité sur les chantiers, qui conduit à plus de sécurité. Plus facile à maîtriser et avec moins de risques d’accidents, elle facilite l’emploi des personnes en réinsertion en atelier et les reconversions professionnelles, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Des défis de R&D et de réglementation

Les matériaux biosourcés répondent aux problématiques qui s’imposent aujourd’hui à la filière béton : la finitude des ressources (le sable notamment) et la réduction de l’empreinte carbone. Ils doivent toutefois se conformer à une réglementation (incendie, acoustique…) qui n’est pas toujours adaptée à leurs spécificités et qui peut être difficile à faire évoluer. En effet, la réglementation et les normes actuelles ont été pensées dans une logique de mise en œuvre et en fonction des principales caractéristiques (non-combustibilité, densité importante, construction sur site…) des matériaux minéraux qui se sont largement imposés après-guerre. La solution passe donc par l’innovation en combinant trois paramètres : économique, écologique et technique et en réalisant des arbitrages selon les situations.

C’est le défi qui se pose, par exemple, à la construction en bois d’immeubles de moyenne hauteur
(quatrième famille en logement : dernier plancher entre 28 et 50 mètres). Chaque filière de
matériaux biosourcés a sa propre maturité et connaît des phases d’accélération, comme l’ont été les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 pour la filière bois. Dans le cadre du programme immobilier du lot D au cœur du Village des Athlètes à Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), construit par Icade, la Caisse des Dépôts, la Banque des territoires et CDC Habitat, le quartier des Quinconces comprend ainsi six bâtiments de quatrième famille, en structure poteau et poutres béton bas carbone, avec une façade en ossature bois et une isolation en laine de bois. Un des prérequis pour le recours à ces nouveaux modes constructifs est le recours à des maquettes BIM dès la phase de conception, permettant d’intégrer plus aisément des macroéléments standardisés via leurs jumeaux numériques.

Vers une mixité des matériaux, des systèmes constructifs et de la construction in situ et hors site

L’avenir est à la mixité des matériaux, des systèmes constructifs, des systèmes énergétiques hybrides et des sites de construction/préfabrication. Cela nécessite de bien prendre en compte les enjeux qui en résultent, par exemple les niveaux de tolérance des matériaux, les contraintes de transport, etc. Les grands industriels intègrent à présent dans leur gamme des solutions d’isolants biosourcés tels que la ouate de cellulose ou la laine de bois, et une offre croissante se structure autour d’acteurs alternatifs avec d’autres types d’isolants tels que la paille, le chanvre, l’herbe, la laine ou encore les tissus recyclés. Tous ces matériaux contribuent à leur échelle et dans leur domaine d’emploi à la transition environnementale en cours.

Si l’avenir s’écrit avec de nouveaux matériaux biosourcés, géosourcés ou issus du réemploi, les
matériaux les plus usuels n’ont pas dit leur dernier mot et sont en train de se réinventer, souvent au prix de lourds investissements et d’une R&D plus active que jamais. Il n’y aura pas de remplacement des uns par les autres, mais une hybridation croissante. Seules seront mises hors-jeu les filières qui n’arriveront pas à décarboner leurs produits d’ici 2030. Le mouvement est bien lancé et les seuils successifs de réglementation donnent de la visibilité aux acteurs pour maintenir la dynamique actuelle. Chaque territoire ayant historiquement sa propre architecture ainsi que des cultures constructives différentes, c’est enfin l’occasion de réinventer des architectures vernaculaires résilientes et bas carbone, dans le cadre d’un vaste plan de transformation du secteur du bâtiment.

Immeuble de bureaux et de services "Pulse", Saint-Denis (93) - Icade

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