28 mai 2025 • Actualité
La France s’est fixé un objectif de neutralité carbone en 2050 avec une première échéance de réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Il lui faut donc sortir des énergies fossiles. Cela passe par davantage d'électrification pour remplacer ces énergies fossiles et par une proportion plus importante d'électricité décarbonée. Si son système électrique repose sur son parc nucléaire qui produit 70 % de l’électricité de la France, cette dernière représente moins de 20 % de l’énergie finale utilisée par les Français. Pour atteindre son objectif d’énergie décarbonée et souveraine, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) s’appuie sur l’électricité décarbonée et sur la biomasse. Dans ce contexte, RTE établit des scénarios pour assurer l’équilibre du système et la sécurité d’approvisionnement alors que celui-ci reposera en grande partie sur des énergies renouvelables, avec un socle commun de solaire et d’éolien terrestre et une baisse de la part du nucléaire. Côté demande, la SNBC repose sur la sobriété énergétique avec une consommation finale qui diminue de 40 % en trente ans en France.
Avec les variations climatiques répétées, l’adaptation des infrastructures énergétiques devient un enjeu majeur. Le système électrique français, nerf de l’économie, est configuré pour résister à des phénomènes climatiques intenses. C’est le cas pour les tempêtes avec son « plan de sécurisation mécanique » déployé de 2001 à 2016, qui a nécessité un investissement de 2,5 milliards d’euros. Qu’en est-il des pénuries d’eau qui pourraient affecter l’activité des centrales hydrauliques ainsi que le fonctionnement des centrales nucléaires qui prélèvent l’eau dans les fleuves pour se refroidir ? Aujourd’hui, RTE travaille sur deux risques principaux : les inondations et les vagues de chaleur. Ces dernières ont pour conséquence de dilater les liaisons électriques aériennes. Si l’on pouvait hier escompter une baisse du trafic électrique l’été pour gérer ces problèmes techniques, rien n’est moins sûr aujourd’hui. En effet, le changement climatique peut entraîner une baisse de la consommation de chauffage l’hiver et une hausse de la consommation énergétique l’été en raison d’un recours accru à la climatisation.
Pour appréhender la variabilité climatique, RTE élabore des scénarios sur la base de la trajectoire SNBC pour sécuriser l’approvisionnement des Français et dessiner le système électrique de demain en fonction des hypothèses de consommation et des données climatiques. Pour se préparer à tous les cas de figure, RTE intègre des variantes comme la sobriété ou la réindustrialisation profonde. C’est l’objet de son rapport « Futurs énergétiques 2050 ». Pour modéliser ces scénarios, RTE s’appuie sur les données climatiques, fournies notamment par Météo France et des climatologues du GIEC. Ces données de qualité lui permettent de réaliser des simulations et des projections d’une grande précision, y compris heure par heure. Pour évaluer le niveau des risques pesant sur l’approvisionnement en électricité, RTE effectue des « stress tests » combinant un ou plusieurs éléments climatiques comme des périodes sans vent, avec ou sans vague de froid ou des canicules associées à l’absence de vent. En 2050, les configurations les plus à risque pour le système électrique correspondent à des situations de manque de vent, conjuguées à une température froide. Quant au recours à l’IA, il s’accélère pour notamment étudier et caractériser les événements extrêmes à forts impacts.
Pour le secteur de l’immobilier, la Stratégie nationale bas carbone se traduit concrètement aussi bien sur les ouvrages existants que sur la construction d’immeubles neufs. Bien que cet article soit axé sur l’enjeu carbone lié à l’énergie, il est fondamental de comprendre qu’une stratégie bas carbone sur un projet immobilier neuf ou ancien ne peut se faire sans traiter les deux sujets en même temps, avec pour objectif de trouver le meilleur compromis entre deux leviers généralement contradictoires. Pour la rénovation, la réduction de l’empreinte carbone passe souvent par l’électrification du système de production d’énergie, en remplaçant par exemple une chaudière fioul ou gaz par une ou plusieurs pompes à chaleur (PAC), mais cette approche ne peut pas s’exonérer d’une analyse de la performance de l’enveloppe.
Au-delà de considérations énergétiques et carbone, cette analyse amène aussi à analyser d’autres enjeux comme le confort des occupants ou la qualité de l’air. Ainsi il est généralement nécessaire d’émettre à court terme du carbone « gris », lié aux matériaux de rénovation d’une enveloppe afin de la rendre compatible avec des systèmes énergétiques basés sur le vecteur électricité qui vont permettre, après une période d’amortissement de cet investissement carbone, de réduire les émissions dans la durée de vie de l’ouvrage. Le même type de raisonnement est à mener concernant le sujet de la solarisation des toitures. En effet, la mise en œuvre de panneaux photovoltaïques va affecter le bilan carbone matériaux du projet neuf ou à rénover. Il est donc impératif de s’assurer que leur installation permettra une autoconsommation au bénéfice des consommations induites par le fonctionnement du bâtiment comme alimenter des pompes à chaleur, des ascenseurs, etc., mais aussi par les usages de ses occupants comme alimenter des véhicules électriques ou un sèche-linge. L’analyse de tous ces facteurs conduira le concepteur à définir le « juste niveau d’électrification » de son projet, aussi bien sur le volet «production» que « consommation», et va induire des enjeux de pilotage à l’échelle de son bâtiment mais aussi au-delà, en interaction avec le réseau.
Enfin, l’objectif de maîtrise des coûts de construction et donc le prix de vente, notamment aux particuliers, conduit à des arbitrages qui limitent souvent les ambitions, faute de capacité d’investissement suffisante. C’est pourquoi les acteurs du secteur immobilier travaillent désormais de plus en plus souvent aux côtés des énergéticiens pour élaborer des modèles économiques spécifiques pour chaque projet, permettant de répondre à l’ensemble des contraintes tout en maximisant l’impact bas carbone de ce dernier, non pas seulement à son échelle mais à celle de son écosystème et en interaction avec ce dernier.