Face aux crises énergétique, climatique et démographique, la ville de 2050 devra s’adapter. Rénovation, réemploi, déconstruction, reconstruction de la ville sur la ville, innovations juridiques et assurantielles seront les maîtres-mots. Informer sera essentiel pour favoriser l’adhésion de tous aux transformations urbaines. Témoignage de Magali Volkwein, architecte et présidente de l’agence Devillers & Associés.

Quelle est votre vision de la ville de 2050 ?

La ville de 2050 est une ville qui aura réussi à affronter trois crises majeures :

  • La crise énergétique qui va nous obliger à penser tout avec moins de carbone. Nous allons devoir être très économe dans tous les actes de bâtir la ville, avec moins de matière, mais aussi avec moins de mobilité. Nous ne pourrons plus, comme dans la deuxième moitié du XXᵉ siècle, parcourir au quotidien des distances. La ville sera forcément plus compacte et plus mixte.
  • La deuxième crise que la ville doit affronter, c'est la crise climatique. C’est une ville qui s’adapte, qui protège notamment aux phénomènes climatiques extrêmes, se protège, qui sait gérer les altérations du petit cycle de l'eau, qui éponge. Elle va permettre d'être fraîche en période de stress hydrique et d’absorber les excédents d'eau en période d'inondation.
  • Et enfin, c'est une ville qui affronte les yeux dans les yeux la crise démographique. Parce qu'on le sait, dès 2035, nous serons en stagnation et en 2050 nous serons en début de décroissance. La population aura beaucoup vieilli, elle sera un peu plus fragile et très isolée. Comment répond-on aux défis que pose cette isolation dans la ville ? Comment mutualiser les espaces ? comment se rencontrer ? C'est un vrai sujet.

Quelles sont les clés pour réussir à bâtir la ville de 2050 ?

Bâtir la ville de 2050, on le voit, c'est beaucoup rénover, évidemment puisque la ville de 2050 est déjà là. En même temps, tout ne peut pas être conservé en l'état. Il faut imaginer une ville dans laquelle on déconstruise et on reconstruise. Le verbe démolir va disparaître et nous allons inventer des nouveaux métiers qui sont des métiers de dépose, de tri et de ré-assemblage. C'est un défi très important que cette manière de faire la ville sur elle-même avec ces nouvelles techniques. Il y a autre chose qui est très important dans la ville de 2050 c’est le défi réglementaire et juridique pour faire tomber les dispositifs en silo avec lesquels nous pensons et nous réfléchissons nos différents actes de bâtir la ville. Il faut effectivement imaginer d'autres manières de tirer avantage des choses déjà utilisées. Nous avons des défis assurantiels, juridiques, de montage. La ville de 2050 doit être créative aussi sur ces plans-là.

Comment faire pour que la population adhère à ces solutions ?

Ce ne sont pas des défis rigolos, nous le voyons au quotidien. Nous allons avoir un certain nombre de phénomènes auxquels nous ne sommes pas préparés, qui vont être relativement anxiogènes. Informer est important au quotidien, mais il faut aussi informer sur le coût de l'inaction.  Nous imaginons que la ville de demain sera celle d'aujourd'hui, et bien non, le contexte géographique et climatique change. Expliquer les changements permet d'accompagner ceux qui sont volontaires, qui prennent la main, qui préviennent. Cette stratégie d'information est fondamentale. Il y a une autre stratégie avec laquelle nous devons faire la ville, quand on la fait sur elle-même, c'est faire de l'urbanisme négocié, on fait aussi de l'agriculture négociée. Ça veut dire s'intéresser et comprendre les business model, les trajectoires de chacun, essayer de comprendre où ça bloque et essayer de voir comment, en mettant les gens autour de la table dans une logique projet, les uns peuvent aider les autres. Au fond, c'est appliquer des logiques d'écologie industrielle à tout le phénomène de construction de la ville.

 

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